Atteindre la masse critique sur le
secteur publicitaire et être plus réactif en terme de R&D sont les
principales motivations des dirigeants de Microsoft pour justifier
l'OPA sur Yahoo. Des arguments décryptés par Vincent Bonneau, analyste
à l'Idate.
« C'est la prochaine étape majeure dans le processus de transformation de Microsoft. » Steve Ballmer présente ainsi l'offre de rachat
lancée ce vendredi 1er février par son groupe sur son rival Yahoo.
« Nous discutons déjà depuis plus de dix-huit mois », a indiqué le P-DG
de l'éditeur lors d'une conférence de presse téléphonique. « Microsoft
et Yahoo partagent la même vision concernant la publicité en ligne. »
Jusqu'à présent, le portail internet a toujours refusé les
avances de son rival - de la mise en place d'un partenariat commercial
à la fusion. Mais la publication de résultats annuels en berne
et l'annonce de la suppression de 1 000 postes en début de semaine, ont
fragilisé Yahoo. « Nous pensons qu'il n'y a pas de meilleur moment pour
faire cette offre », reconnaît Steve Ballmer.
« Nous sommes prêts au dialogue »,
ajoute-t-il, sans préciser si Microsoft acceptera de revoir sa
proposition à la hausse dans le cas où les dirigeants et les
actionnaires de Yahoo font la sourde oreille.
Une offre trop faible pour Yahoo ?
Pour Vincent Bonneau, analyste à l'Institut de l'audiovisuel et des télécommunications en Europe (Idate), « si Yahoo croît vraiment à la réussite de Panama,
sa plate-forme lancée il y a quelques mois, il n'est pas certain que
l'OPA fonctionne à la première tentative. L'offre de Microsoft est
basée sur un niveau de l'action au plus bas ».
Un sentiment renforcé par les révélations de la presse américaine.
Au printemps dernier, Microsoft aurait approché les administrateurs de
Yahoo avec une offre à 50 milliards de dollars.
Microsoft +Yahoo = 988 millions de visiteurs uniques
La firme de Redmond affirme que cette acquisition est
essentielle pour les deux groupes dans leur course derrière Google.
« Atteindre une masse critique est essentiel sur le secteur de la
publicité en ligne », argumente Kevin Johnson, président de la division
Plates-formes et services. Selon lui, si Microsoft et Yahoo sont
capables de proposer une plate-forme publicitaire unifiée, cela ne
sera que bénéfique pour les annonceurs. En particulier sur le long
terme lorsque les deux groupes auront développé des solutions pérennes
en terme de publicité comportementale.
« L'opération fait sens si on regarde les points forts de
Microsoft et de Yahoo qui se complètent bien sur les services -
portail, webmail, messagerie instantanée - et sur la répartition
géographique - USA, Europe et Asie » analyse Vincent Bonneau. « Les deux groupes ont le même modèle publicitaire basé sur l'audience. En se rapprochant, ils créent un leader mondial du display
(bannières, carré, etc.) car le marché est très fragmenté en termes
d'audience. N'oublions pas que chacun dispose en plus de partenaires
forts, notamment Microsoft avec Facebook.
En revanche, ils ne reviendront pas sur Google sur le « search » et le marché des liens sponsorisés. « Dans le secteur de la publicité en ligne, ce sont deux marchés différents
». Selon les chiffres de l'institut Comscore, l'audience mondiale
cumulée des sites de Microsoft et Yahoo serait de 988 millions de
visiteurs uniques par mois contre 528 millions pour les sites de
Google.
Quid de la marque Yahoo ?
Microsoft compte également sur des synergies entre les équipes
de recherche et développement (R&D). « Actuellement, Yahoo et
Microsoft ont des ingénieurs qui planchent sur les mêmes sujets, nous
pourrions combiner ces talents pour accélérer l'innovation », poursuit
Kevin Johnson. « Nous aurions pu embaucher des ingénieurs, nous savons
très bien le faire, mais parallèlement, nous avons le leader du marché
(Google, Ndlr), qui gagne rapidement des parts de marché », renchérit
Steve Ballmer.
Une équipe de R&D renforcée permettra à Microsoft et Yahoo
de plancher sur de nouvelles technologies de recherche, comme les
moteurs verticaux ou la recherche sémantique, rappelle Ray Ozzie, le
« Chief Software Architect » de Microsoft. Mais aussi et surtout de
plancher sur les dimensions sociales des applications et des sites
internet, afin de créer « un web plus ouvert ». « Yahoo a des atouts
énormes en terme de communauté et de contenu », rappelle-t-il.
En revanche, les dirigeants de Microsoft sont restés vagues
sur les conséquences en terme d'emploi, si l'opération aboutit. De
même, ils auront à prendre des « décisions spécifiques » en terme de
marques, a prévenu Steve Ballmer, car entre Yahoo, MSN, Windows Live,
le futur groupe se retrouvera avec un ensemble de marques très
renommées.
Avec Philippe Leroy
Par Estelle Dumout, ZDNet France
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