Selon l’indicateur Chausson Finance, les investissements
dans les start-up au premier semestre 2008 n'ont pas fléchi, malgré une
conjoncture peu favorable. Et la crise qui s'installe ne devrait pas
trop secouer le secteur, estiment les analystes.
Alors que la crise américaine déferle sur les marchés
européens, la société de conseil en levée de fonds Chausson Finance
publie son indicateur semestriel pour le début de 2008.
Et ses données sont plutôt positives : les investissements dans les
starts-up en France ont atteint 470 millions au cours des six premiers
mois, en augmentation de 18 % sur un an.
Certes, ils diminuent de 17 % par rapport au second semestre
2007, mais cette baisse est à relativiser estime Chausson Finance :
« Historiquement, les montants investis au cours du premier semestre
sont généralement inférieurs à ceux investis au second semestre. » Au
total, 312 sociétés ont reçu des capitaux, pour un montant moyen
d'investissement de 1,5 million d'euros.
Selon la société, ces chiffres confirment qu'il y a « une
décorélation entre cycles boursiers et capital-risque ». « Malgré la
période actuelle, il y a un îlot de tranquillité dans le
capital-risque, car [les investisseurs] travaillent avec des fonds
propres et pas avec de la dette », souligne Christophe Chausson,
président et fondateur de Chausson Finance. « De plus, les fonds de
capital-risque sont levés pour des périodes allant de sept à dix ans,
donc les équipes sont sereines quant à la disponibilité de l'argent
pour les prochaines années. C'est une période plus difficile, mais il
n'y a aucune panique dans les équipes. »
Une analyse partagée par Pascal Mercier, directeur associé et
cofondateur de la société Aelios Finance. « Lorsqu'on investit dans une
start-up, c'est pour aider une société qui va avoir une valeur de
marché à l'horizon 2011-2012. C'est la conjoncture de sortie qui
importe, et l'on sait, d'expérience, qu'un cycle de crise dure
généralement deux ou trois ans. Ce fut le cas pour les crises de
1992-93, puis de 2000-2001. »
Les Cleantech à la hausse
Pascal Mercier table seulement sur un ralentissement des investissements en provenance des business angels,
pour lesquels le capital-risque n'est pas forcément le métier de
base ; ils devraient se recentrer sur d'autres classes d'actifs. Pour
les FCPR (fonds communs de placement à risque) et les FCPI (fonds
communs de placement dans l'innovation), il ne faudra compter que sur
un très faible ralentissement des investissements.
« Cette crise n'aura qu'un effet marginal sur l'argent
disponible à investir », confirme Philippe Collombel, associé du fonds
de capital-risque Partech International « Les investisseurs se
montreront seulement un peu plus prudents et un peu plus sélectifs, à
court terme. Mais la loi absolue est la suivante : lorsqu'il y a un bon
projet, il faut le financer. » Et si la crise se poursuit sur le plus
long terme, il pourrait malgré tout y avoir un équilibre naturel : les
start-up hésiteront à se lancer dans l'aventure, la demande en capital
va donc baisser, selon lui, régulant ainsi le marché.
Selon Chausson Finance, le secteur de la santé est celui qui a
attiré le plus les capitaux, avec 120,6 millions d'euros (26 % du
total), au premier semestre 2008. Suivent les logiciels (73,7 millions
d'euros, 16 %), les « Cleantech » (technologies dites propres, liées
aux énergies renouvelables - 67,6 millions, 14 %), les télécoms (61,7
millions - 13 %), l'internet et l'e-commerce (49,5 millions, 11 %).
Les Cleantech sont le secteur en plus forte croissance : 44
entreprises ont reçu un financement, contre seulement 27 le semestre
précédent, de la part de 18 fonds de capital-risque. En revanche,
« après une année faste, en 2007, le secteur internet et e-commerce
connaît ce semestre une chute de 46 % des montants investis », précise
l'indicateur.
Les sociétés plus matures, plus rassurantes
Selon les stades de développement des entreprises, les
deuxièmes tours représentent 67 % du montant total des investissements,
soit 315,7 millions d'euros. « La raison de cette tendance est toujours
à trouver du côté de la Bourse, actuellement fermée à toute
introduction, qui conduit nombre d'entreprises à se rabattre sur un
tour supplémentaire de private equity », explique Chausson Finance.
« En période de gros temps à l'extérieur, les entreprises
lèvent généralement le pied face à leur développement, et elles
risquent de reporter leur décision de lever des fonds », note
Christophe Chausson. « Mais sachant que les banques vont
faire de moins en moins de crédit, qu'il n'y a pas la possibilité
d'entrer en Bourse, le capital restera la seule façon d'obtenir des
financements. »
Les premiers tours sont en forte chute (-35 %), mais
représentent toutefois 112 millions d'euros, tandis que l'amorçage
enregistre une croissance de 35 % et atteint 42,2 millions d'euros.
L'arrivée de la crise en Europe ne devrait pas forcément
bousculer ces tendances : « Traditionnellement dans une période
trouble, les investisseurs ont tendance à se tourner vers des sociétés
plus matures, pour avoir une sensation de sécurité », souligne Pascal
Mercier, d'Aelios Finance. « Mais il n'y en aura pas assez pour tout le
monde », note-il. Et de rappeler que le critère le plus rassurant pour
un investisseur est en priorité l'équipe qui pilote la start-up.
Le choix se fera en fonction du modèle économique des start-up
« Certains investisseurs préfèreront les tours tardifs de
financement, mais à l'inverse, c'est dans les périodes difficiles que
l'on trouve les meilleures opportunités », rappelle Christophe
Chausson. Et de souligner que Price Minister et Meetic, deux des
start-up françaises les plus en vue dans le domaine de l'internet, sont
nées au moment de l'éclatement de la bulle du début des années 2000.
Ainsi, même le secteur internet, dans lequel les sociétés
s'appuient généralement sur un modèle économique publicitaire fragile,
ne semble pas inquiéter outre mesure les fonds de capital-risque : « Les
nouveaux médias ont la faveur des investisseurs », note Christophe
Chausson, en rappelant par exemple que sa société vient d'accompagner
la start-up Pure People, qui a levé 3,5 millions d'euros pour proposer une alternative aux Voici et autres Gala sur internet.
Sur le marché de l'internet plus spécifiquement, le choix des
investisseurs se fera en fonction du modèle économique des start-up :
« Les modèles entièrement basés sur la publicité ne seront viables que
pour les sites qui sont capables de drainer une forte audience, comme
des site tels que Dailymotion. Pour les autres, il faudra d'autres
modèles qui combinent plusieurs sources de revenus », explique de son
côté Philippe Collombel.
Article mis à jour mercredi 1 octobre à 12h30, pour prendre en compte les commentaires de Christophe Chausson.
Par Estelle Dumout, ZDNet France
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