Objet d'une vive polémique, le fichier informatique Edvige
va plus loin que l'ancien dispositif des RG, en autorisant notamment le
fichage des mineurs dès 13 ans. Explication de texte sur ce que dit
exactement le décret et le ministère de l'Intérieur.
Créé par un décret paru le 1er juillet au Journal officiel,
le fichier « Exploitation documentaire et valorisation de l'information
générale » (Edvige) est destiné à remplacer l'ancien fichier des
Renseignement généraux, en vigueur depuis 1991.
Sauf qu'il va beaucoup plus loin. Selon le décret, il permet
ainsi de recenser dès treize ans des personnes jugées « susceptibles de
porter atteinte à l'ordre public ». Le fichier des RG se cantonnait aux
« personnes susceptibles, par leur action violente, de porter atteinte
la sûreté de l'État » et il n'incluait pas les mineurs.
Mais
le nouveau texte ajoute surtout le fichage des citoyens « ayant
sollicité, exercé ou exerçant un mandat politique, syndical ou
économique ou qui jouent un rôle institutionnel, économique, social ou
religieux significatif ».
Quelles données personnelles ?
C'est ce deuxième point qui a véritablement
soulevé la polémique, car les personnes visées ne présentent plus
nécessairement un danger pour l'ordre public. En outre, les données personnelles associées à ces personnes sont plutôt larges :
- informations ayant trait à l'état civil et à la profession ;
- adresses physiques, numéros de téléphone et adresses électroniques ;
- signes physiques particuliers et objectifs, photographies et comportement ;
- titres d'identité ;
- immatriculation des véhicules ;
- informations fiscales et patrimoniales ;
- déplacements et antécédents judiciaires ;
- motif de l'enregistrement des données ;
- données
relatives à l'environnement de la personne, notamment à celles
entretenant ou ayant entretenu des relations directes et non fortuites
avec elle.
Le décret indique que des « données autres que celles
relatives aux opinions politiques, philosophiques ou religieuses, ou à
l'appartenance syndicale » peuvent également être enregistrées « de
manière exceptionnelle ». Interprétation du ministère de l'Intérieur
sur ce point : il pourra s'agir de « l'orientation sexuelle supposée »
ou de « l'état de santé », à condition que ces informations soient
liées « à la vie publique ou à l'activité militante de la personne
concernée ».
Bref, un président d'une association de lutte contre
l'homophobie peut être fiché, comme un militant d'une association
servant une cause médicale. Le porte-parole du ministère
de l'Intérieur a dû tout de même préciser, lundi 8 septembre, qu'il n'y
aura pas systématiquement de fichage d'homosexuels, de séropositifs, ou
de malades.
Qui peut consulter Edvige ?
Les personnes autorisées à accéder à ce fichier sont les
policiers de la SDIG (Sous-direction de l'information générale de la
direction centrale de la sécurité publique), individuellement désignés
par le directeur central de la sécurité publique. Les fonctionnaires
des services d'information des directions départementales ou de la
préfecture de police désignés par le directeur départemental ou par le
préfet de police.
La partie du fichier dédiée aux personnes jugées
« susceptibles de porter atteinte à l'ordre public » peut également
être accessible par tout agent d'un service de la police nationale ou
de la gendarmerie nationale, sur demande expresse à sa hiérarchie en
précisant l'identité du consultant, l'objet et les motifs de la
consultation.
Le décret précise, par ailleurs, que le fichier Edvige ne peut
être mis en interconnexion avec d'autres fichiers. Et que, comme tout
fichier nominatif informatisé intégrant des données personnelles,
n'importe quel citoyen peut demander à y avoir accès, conformément à la
loi informatique et libertés de 1978. Les données sont conservées cinq
ans au maximum dans le cadre d'une enquête, mais rien n'est précisé
dans le cas d'un relevé d'information réalisé en dehors d'une enquête.
Enfin, le texte indique que le directeur général de la police nationale doit rendre compte chaque année à la Commission nationale de l'informatique et des libertés
(Cnil) de ses activités « de vérification, de mise à jour et
d'effacement » des informations enregistrées dans le fichier Edvige.
Par Christophe Guillemin, ZDNet France
Source ZDNet